Un selfie pour apprendre à s’apprécier

On critique souvent les personnes qui publient des photos en masse sur les réseaux sociaux. Comme s’ils se prenaient en photo « tout le temps ». De même, on associe beaucoup le fait de se soucier de son apparence à celui d’être superficiel. Mais y a-t-il vraiment une norme du nombre de fois où l’on doit se prendre en photo dans notre vie?

La photographie est une chose extrêmement récente à l’échelle de l’histoire de l’humanité. Les photos numériques (encore plus jeunes que les autres) peuvent être prises en effleurant à peine un écran. En théorie, on peut donc en prendre des milliers voire des millions de fois en une journée. C’est ce que font d’ailleurs les photographes lors d’un mariage. Parmi cette masse gigantesque de moments immortalisés se trouvent souvent de nombreuses coquilles.

À l’époque de nos grands-parents, ils ne faisaient qu’une ou deux photos dans toute leur vie. Et lorsque j’ai eu l’occasion d’en demander la raison aux générations précédentes, on m’a répondu qu’« ils devaient travailler, ils avaient bien autre chose que de se prendre en photo ».

Il est vrai que nous avons désormais beaucoup plus le temps de nous soucier de notre apparence et de réfléchir à l’image que nous souhaitons véhiculer, en tant d’individus, comme en tant que société. Cela va de pair avec l’apparition de la couleur dans les photos, et les films, puis de la haute définition, de la 3D et de la réalité virtuelle, tout comme l’accroissement de la taille des écrans. Comme si nous voulions percevoir les choses d’une façon toujours plus détaillée, large, et avec de la profondeur. En réalité, l’image a façonné notre regard, notre société et cette dernière a aussi reflété les traces visibles de nous-mêmes que nous laissons à la postérité.

Au début du vingtième siècle, un photographe prenait une personne en photo. Il devait être bien immobile pour que l’image ne soit pas floue. C’était un moment important, unique, comme un mariage ou l’achat d’une voiture. Le photographe nous donnait des consignes pour que le produit final corresponde à ce qui se faisait déjà. La manière dont le sujet du portrait était perçu dépendait d’une personne extérieure. Aujourd’hui, le selfie est un mouvement dirigé davantage vers nous-mêmes, vers la manière dont nous voulons nous percevoir et nous vérifions beaucoup moins la qualité des prises, surtout si nous en prenons des centaines d’un coup.

Parfois, un cliché flou avec nos amis apporte beaucoup plus d’émotions qu’un portrait très travaillé. Le plus important serait-il alors l’instant, et ce que cela représente ? En réalité, pourrait-on établir une relation entre ceux qui se prennent en photo et ceux qui sont bien dans leur peau? De nombreuses personnes se plaignent de se trouver affreuses sur les photos. Est-ce par manque d’habitude? D’autre part, nos méthodes et nos modes anciennes n’auraient-elles pas été dépassées par les capacités de nos appareils numériques et l’accroissement du temps disponible ?

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