Les histoires doivent-elles forcément être inspirantes ?
Dans un autre article, je détaillais en quoi l’imagination est un premier pas vers la connaissance. Cette même imagination que l’on construit notamment au contact des œuvres artistiques que l’on côtoie.
« Les histoires doivent-elles forcément être inspirantes? » C’est la question que l’on me pose, quand après une lecture, ou un visionnage, je dis, triste ou en colère, que cette histoire manque d’espoir.
Il existe de nombreuses variétés de récits, à la fois dans les thèmes qu’elles abordent que dans la manière dont elles regardent le monde. Certaines cherchent à faire rire, d’autres à émouvoir, à alerter, à faire rêver ou réfléchir. Mais elles ont toutes un point commun : elles portent un regard, une intention. Une histoire, même fictive, est toujours une projection du regard de son auteur. Elle dit quelque chose de son époque, de sa vision de la société, de l’humain, du possible.
Certaines œuvres marquent par leur noirceur. Des récits fatalistes, cyniques, amers, qui semblent affirmer qu’on ne peut rien changer. Que les problèmes sont cycliques, enracinés, et qu’ils font partie de la nature humaine. En tant que lecteur ou spectateur, on s’installe, on se laisse porter, et parfois on ressort avec un goût amer. Une sensation de défaite avant même d’avoir combattu.
L’exemple le plus frappant que j’ai en tête, c’est 1984. Le roman de George Orwell dépeint une société écrasée par un pouvoir totalitaire où l’espoir est inexistant. Les personnages finissent broyés, et le message est glaçant : il n’y a pas d’issue. De même, le court-métrage L’Île aux fleurs (lien youtube) traite la mondialisation et l’injustice avec un cynisme percutant, presque cruel.
Je comprends la nécessité de ce genre de récits. Ils sont des alertes, des électrochocs. Mais j’ai toujours eu du mal à m’en détacher émotionnellement. Pourquoi passer deux heures devant un film pour en ressortir déprimé ? Pourquoi lire un livre et se sentir vidé ? Ces œuvres peuvent réveiller une colère utile, une lucidité salutaire… mais si elles deviennent majoritaires, ne font-elles pas plus de ravage que de bien ?
J’ai peur qu’à force de consommer des histoires cyniques, on finisse par ne plus croire en rien. Qu’on nourrisse la rancune, l’amertume, l’inertie. Pire : qu’on commence à intégrer l’idée que le monde est irrémédiablement perdu. Qu’il est inutile d’agir. Or, les récits façonnent notre imaginaire collectif. Ils peuvent cultiver la résignation comme l’élan. L’histoire qu’on choisit de raconter, c’est aussi celle qu’on choisit de croire.
Alors non, les histoires ne doivent pas forcément être inspirantes. Mais peut-être qu’on devrait se demander plus souvent : qu’est-ce qu’on plante dans le cœur de ceux qui écoutent et qui regardent ?