SDF et adolescents: deux mondes pas si différents

Dans le passage de l’enfance au monde adulte, la manière dont l’adolescent est traité et/ou pressé est capitale. L’adulte responsable du bon déroulement de son épanouissement va-t-il lui laisser le temps de trouver ce qu’il veut faire de sa vie, de ses jours, de son temps, ou bien, comme l’aigle impatient, le jeter brutalement dans le vide pour qu’il apprenne à voler tout seul?

Certains parents permettent que le monde change en laissant une seconde chance à leur progéniture. Ces parents qui ont compris que les jeunes ont besoin d’un filet de sécurité pour explorer divers intérêts, et pas seulement d’acquérir des compétences professionnelles pour vivre de son travail, comme la génération précédente dont la vision est encore majoritaire, et dont la présence façonne encore l’école et les méthodes qu’on y utilise.

Il existe une autre catégorie socio-(« professionnelle ») dont les besoins peuvent être placés dans la même catégorie que les adolescents et les jeunes gens. Nous les nommons les « Sans domicile fixe ». Cet ensemble de personne, qui d’ailleurs englobe des situations de vie très variées, est à la fois inclus et exclu. Ils ne sont pas dans un « logement » prévu à cet effet, (je parle ici de ceux qui vivent dehors) et tous n’ont pas un travail, donc une place d’utilité: ils sont donc en-dehors de la société. Cependant, ils occupent un espace de trottoir, un abri sous un pont ou une arrière-cour désaffectée, comme un déchet que l’on aurait pas réussi à valoriser. Ou bien, si on regarde cela dans un processus éducatif autonomisant, nous n’avons pas, en tant que société (là aussi, le terme est plutôt large), réussi à faire en sorte qu’ils s’incluent eux-mêmes.

À cet égard, il y a une sorte de conscience collective, dans les débats sociétaux, dont le regard se porte sur ces individus et qui dit : « nous n’avons pas réussi ». Mais les SDF ne font pas partie des échanges de cette collégialité. Peut-être ne se considéraient-ils pas comme un échec, eut égard aux exemples que proposent la société? Peut-être les regardent-ils comme trop étroits? Peut-être n’ont-ils pas envie de participer à un jeu de construction collectif à l’échelle planétaire dont le maillage devient de plus en plus concurrentiel?

Ont-ils vraiment l’espace, les capacités, la disponibilité d’esprit, l’élan, le temps de se poser ces questions avec des spécialistes?

A l’école, je sortais dans le couloir pendant les cours d’anglais. Je ne serais plus capable aujourd’hui de donner les raisons qui me poussaient à agir ainsi, mais une chose est sûre, je n’aimais pas ces cours (Avant que je ne découvre la nécessité vitale de ressortir les notions scolaires qu’il me restait, seul à l’étranger). Les cours en général, en fait, où la parole de l’enseignant pressé par le temps et les notions du programme à boucler, recouvre tout l’espace social et interdit les échanges entre élèves. Cette parole presque « divine » à l’intérieur de cet espace, qui punit et récompense selon ses propres références morales (rappelons-le, celles d’un enseignant souvent dépassé, fatigué, et au bord du born-out) a pour moi une connotation totalitaire, une guidance qui devient tyrannique parce qu’elle ne trouve pas d’autre moyens de faire respecter le cadre pour que tout le monde puisse apprendre. Mais cet ensemble pédagogique est encore présent car il est le reflet d’une nécessité d’acquisition de compétences professionnelles.

Dans ces lignes, je tente de ne pas faire d’amalgame dommageable pour l’image d’une catégorie socio-professionnelle ou d’une autre. Nous avons tous une place et une utilité, même latente. L’ensemble des parcours qui peuvent mener une personne du foyer familial (ou même encore de l’absence de foyer) à la rue est trop vaste et je ne veux pas l’aborder ici. Cependant, il est clair à mes yeux que les adolescents et les SDF partagent une période, voir un positionnement de fragilité au sein de la société, à la recherche à la fois d’un confort matériel, d’une « safe place » où ils ne seront pas jugés, mais aussi d’une reconnaissance inconditionnelle de ce qu’ils sont et de ce qu’ils peuvent offrir, au plus proche de leur réalité. Réalité qu’ils sont pratiquement les seuls à connaître totalement, mais qu’ils ne peuvent que rarement expliquer.

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